Le désert en danger

ou le tourisme aujourd’hui à Wadi Rum et ses conséquences

Le choix ne manque pas de prestataires proposant la visite de Wadi Rum, offrant tous une grande variétés d’activités.

Du bédouin aux tour opérateurs, en passant par les agences et hôtels jordaniens, tous vantent (et vendent) l’ »expérience authentique », la « vie bédouine », l’ »aventure dans le désert ». Plus Lawrence d’Arabie bien sur !

Le mot « bédouin » est décliné sur tous les modes, c’est normal : le désert est la terre des bédouins, et c’est aussi pour eux que vous êtes là.

A lire leurs alléchantes présentations, vous allez rencontrer les bédouins, découvrir leur mode de vie, passer la nuit dans un « campement bédouin ».

Hélas.

C’est effectivement ainsi que cela se passait avant (voir plus bas).
Mais ce temps-là est révolu, malheureusement.

Qu’en est-il de l’aventure ? De la découverte des beautés du Wadi Rum ?

Une nouvelle manière de procéder semble être devenue la norme à Wadi Rum, répétitive et calibrée.

L’ « aventure » se résume à un circuit figé, toujours le même selon la durée choisie (décomptée en heures, jusqu’à la journée complète).

Un chauffeur, souvent (très) jeune, exécute le « tour », qui consiste à arrêter le 4×4 à chaque site de la liste, le temps que les touristes prennent les photos.. et un peu plus.. il faut bien que la journée passe, à rouler à nouveau jusqu’au spot suivant, et ainsi de suite.

Heureusement pour lui, comme tous font pareil, le bédouin-chauffeur retrouve les copains aux arrêts et papotent ensemble, ce qui est fort réjouissant.

Pour les passagers c’est moins drôle, ils s’embêtent vaguement une fois les photos dans la boîte, mais, comme les paysages sont magnifiques, et qu’ils ne connaissent rien d’autre, ça passe.

Le touriste désire-t-il grimper un peu ?

Les deux mêmes « scrambling » sont sempiternellement proposés : l’ascension du jebel Burdah, et le Rakabat canyon.. comme si crapahuter à Wadi Rum se résumait à ces deux seuls chemins : ils sont beaux, certes, car tout est beau à Wadi Rum, mais il y en a tant d’autres !!!

De l’aventure bien calibrée, donc. Sans surprise (sauf le coup de la panne éventuellement, ça met un peu de piment, mieux que rien..)

Et la soirée, la nuit ?

Ceux qui connaissent déjà un peu le désert s’en aperçoivent tout de suite : les installations sur les photos des sites internet ne ressemblent guère, sinon pas du tout à une vraie tente bédouine !
Et de fait, ce sont des choses ‘es, à armatures métalliques et largement bétonnées : salle commune / restaurant (avec tables et chaises), bungalows..plus les bâtiments tout en dur des toilettes et de la cuisine (une vraie, L’ensemble atteignant souvent des dimensions impressionnantes. 
Nouveauté : des LED longue portée, blanches et froides, telles des projecteurs, visibles à des kilomètres à la ronde, éclairent puissamment l’installation de leur lumière glacée d’hôpital.. bonjour l’ambiance et adieu les étoiles. Faut-il être dépourvu de tout sens minimal de l’esthétique pour commettre des laideurs pareilles ! Et que dire des alignements militaires, sur 100 ou 200 mètres, de bungalows tous identiques et hideux.

Quel que soit le prestataire et son joli discours, une nuit à Wadi Rum se passera obligatoirement à l’intérieur d’une telle structure, avec forcément l’électricité, c’est quand même plus moderne que la nuit étoilée.. on est civilisé ! 

Le terme officiel est campement (permanent), en réalité il s’agit bien plutôt d’hôtels, de vrais complexes touristiques ou villages de vacances pour certains, qui occupent de très grandes surfaces du désert, le défigurant du même coup.

Ils s’étendent toujours plus avant dans le désert (pas encore partout, heureusement, mais le risque est là), construits pour « offrir toutes les commodités aux clients ».

Un non-sens total. Un desert construit de partout n’en est plus un, par definition (on pense a Alphonse Allais et ses villes à la campagne). 

Non sens d’autant plus criant qu’un vaste choix d’hébergements tout confort est accessible juste a la limite du Wadi Rum, a 5 minutes a peine du cour du désert !
Et que le Wadi Rum regorge de cavités naturelles, ces « tors » si accueillantes, conservant la chaleur du soleil durant une bonne partie de la nuit, et qui sont autant de « salons », de « chambres a coucher si agréables, sur su sable doux, ou du rocher tiède…!

Attention : même en trek, on vous fera soit rayonner autour du campement-hôtel, soit y passer au moins une nuit (la dernière en général).

Pourquoi tout cela ?
Trois raisons principalement :

  • La première est l’aspect économique : un cuistot pour tous (on est souvent à plus de 50 touristes là-dedans, voire une bonne centaine) ça revient moins cher, d’autant qu’il est Égyptien ou Soudanais, payé au minimum. 
    Rien a transporter non plus, tout reste sur place. C’est tellement plus simple !
  • La deuxième est que la plupart des locaux, vivant en quelque sorte leurs « années 60 » (avec les nouvelles technologies en plus), trouvent tout ça très beau et moderne.

    « Bédouin », c’est juste pour les touristes.
    Ici on est dans l’ère 60-70, les « années Formica chez nous ! Le développement, quoi.

    Les patrons de « campements bédouins » habitent le village, adorent la télé, internet, la lumière des néons et autres LED bleutées, et pensent sincèrement que plus leur « camp-hôtel » sera équipé du confort moderne, plus les touristes seront contents.

    (Eux-mêmes rentrent tous les soirs dormir dans leur maison « tout confort ».)

    Les belles toilettes en béton intérieur céramique sont souvent citées comme le must ! (Quand on sait que la plupart des gastro/touristas s’attrapent justement dans des toilettes communes, on est rassuré)
  • La troisième raison est plus grave : les règlements existent, mais les autorités compétentes (la Zone Economique d’Aqaba pour être précis) ne font rien pour appliquer les lois de protection censées empêcher ces constructions sauvages.
    Inconcevable pour un Parc Naturel ?
    Absolument !
    Mais c’est hélas la vérité !
    Et pour ces haut fonctionnaires responsables, dormir et même s’asseoir sur un matelas par terre, ou ne pas disposer d’une cuvette de toilette en bonne et due forme est simplement impensable. 

Pour résumer la situation, tous les locaux ou presque rêvent d’être patrons ou plutôt prête-nom, et, dès qu’ils le peuvent (autrement dit dès qu’ils ont les sous), ils construisent un complexe bétonné pour le louer à une agence ou un hôtel par exemple. Le gouvernement ne fait rien pour les en empêcher (« petits arrangements bien compris entre amis »). L’avenir du Wadi Rum se présente donc sous un jour plutôt sombre. Le monopole dont jouissent les habitants de Rum a été l’erreur la plus terrible commise il y a 20 ans. Si l’on veut des chiffres, il y a environ 150 complexes bétonnés dans cette zone dite protégée (odieux mensonge !), dont 42 sont légaux (licenciés), et dont 50 ont vu le jour d’octobre 2018 à juillet 2019.

La situation paraît désespérée. 

A moins que…

A moins que les visiteurs, c’est-à-dire vous, qui lisez ceci, affirment clairement leur souhait de vivre une veritable experience du desert, en refusant de dormir dans ces installations, justement !

Et c’est possible, car heureusement, l’autre façon existe, et c’est la nôtre !

Un tourisme eco-responsable a Wadi Rum

Heureusement, à l’initiative d’une française vivant sur place par amour pour ce désert, quelques bédouins travaillent a présent différemment, dans le respect des traditions, du désert et avec créativité : ils emmènent vivre le désert véritablement, et découvrir ses beautés cachées. 

Mais qui sommes-nous ?